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published on 10/25/2017 at 3:17 PM

J'ai été un chauffeur UBER

Tribulation d'un chauffeur VTC

De Président à ...

Il y a quelques années, regardant la télé, je rêvais d’être dans la peau d’un chauffeur de limousine et profiter des confidences de certaines personnalités.

Vous me direz, j’avais aussi, petit rêvé d’être le Pape mais ma mère m’avait demandé de réviser mon souhait. C’est vrai, j’ignorais que j’étais Musulman alors je m’étais dit, ce n’est pas grave, je pourrai me contenter d’être Président et regardant le Général De Gaulle, découvert à travers le petit écran portant le logo de Pathé Marconi, vous savez le chien au garde à vous devant un tourne disque ; je montais sur une chaise pour être à la hauteur du personnage et je criais haut et fort : Je serai Président et même pas au conditionnel.
Nous sommes en 2017, plus de 50 ans se sont écoulés et la place est prise. Heureusement que le monde virtuel existe et qu’on peut toujours rêver et accomplir certains souhaits.

Et justement, il n’y a pas longtemps, l’occasion s’est présentée grâce à UBER, la temps décriée startup américaine de mise en relation conducteurs / passagers qui avait lancé un pavé énorme dans le monde du transport en activant son application UBERPOP qui avait remporté un succès fou.

 

... chauffeur UBERPOP

Des milliers de jeunes sont passés en quelques semaines du statut d’assisté à chauffeur uberpop, c'est-à-dire travailleur hors la loi. Bon on était loin des limousines de luxe mais les utilisateurs-passagers voulaient juste être transportés pas chères et les conducteurs se faire beaucoup d’argent au black.
Si certains chauffeurs étaient en réalité des chauffeurs professionnels qui arrondissaient grassement leurs fins de mois avec des voitures 5 étoiles, d’autres roulaient dans des voitures bonnes pour la casse et de manière ultra dangereuse. Il n’empêche qu’Uberpop a permis à des milliers de jeunes de goûter à un métier qu’ils n’auraient jamais pu exercer autrement.
Je m’y suis risqué, j’en ai bien profité mais j’ai découvert aussi la précarité des artisans taxis et des chauffeurs professionnels de VTC (Véhicule de tourisme avec chauffeur).
La révolte grondait fort et à juste titre avant que l’Etat ne s’en mêle et interdise définitivement UBERPOP même si l’activité de transport entre particuliers ne s’est pas éteinte, avec la startup française Heetch qui a grandi à l’ombre d’Uber.

Uber avait perdu une bataille mais la guerre n’était pas terminée.

 

"Ils étaient beaux à voir, rasés de près en costard cravate dans leur splendide berline"

Avec sa formule professionnelle Uber X, Uber a réussi, incroyable mais vrai, à transformer des milliers d’oubliés de la société en chauffeurs de luxe. Ils étaient beaux à voir ces chauffeurs, rasés de près en costard cravate dans leur splendide berline.
C’est dans ce contexte que je me suis retrouvé au volant d’une limousine à conduire 15h/j, 6j/7 des personnalités de la politique, du sport, des couples illégitimes, des fiancés d’une nuit, des femmes ivres mortes qui avaient honte de leur état, des travailleuses de la nuit qui voulaient un conseil, des couples d’homos qui pensaient me provoquer en se roulant des pelles à l’arrière, des étudiants, des sans dents comme des bourgeoises lyonnaises, des hystériques, un couple que j’avais pris juste pour les aider à retrouver leur voiture dont ils ne savaient plus où elle était garée etc….

L’expérience a duré 4 mois, elle fut riche en rencontres bonnes et mauvaises et de cette période éprouvante pour la santé, j’ai retenu plusieurs histoires que je ne pourrai pas entièrement livrer. Il faudrait un livre pour cela.
Mais je vais en raconter une qui montre que quand le respect s’instaure dans une discussion, tout est possible.

 

Une rencontre pas très orthodoxe

Il était minuit, ce dimanche, le temps était brumeux et moi pas très en forme. J’avais juste envie que mon service se termine et rentrer dormir. La soirée avait été très calme, ce qui ne m’étonnait pas, la concurrence entre sociétés de VTC était énorme et grandement favorisée par les primes versées par la société UBER du moment où les chauffeurs roulaient en continu. Etre chauffeur, c’était devenu un travail d’esclave, épuisant et dangereux pour le chauffeur et ses passagers. On ne pouvait pas souffler, on devait répondre à tous les appels, ne pas couper son phone et se placer aux endroits stratégiques. Notre hantise était les courses longues quand la fatigue prenait le dessus.

Mon téléphone s’est mis à sonner. Pas le temps de vérifier d’où vient l’appel et qui appelle. On a dix secondes pour répondre ou ne pas répondre, sinon c’était la sanction. J’acceptais la course et je me dirigeais comme un robot grâce au GPS directement à l’endroit d’où avait appelé le client. J’ignorais durant la route tout sur lui et surtout sur la destination. Il était interdit d’appeler le client et lui demander sa destination, on pouvait juste l’appeler pour vérifier que ce n’était pas une farce ou pour fixer le lieu de rencontre. Grâce à son téléphone mobile, il pouvait tracer mon déplacement et il arrivait de tomber sur des chauffeurs de taxi qui commandaient des courses et annulaient dans les 5 mn pour nous pourrir la vie. Pour moi, ce n’était pas mon job principal, j’avais juste envie de découvrir cette profession qui ne collait pas à l'idée que je m’en faisais. Certains clients nous méprisaient, heureusement qu’il y avait des clients sympas avec qui les échanges étaient enrichissants.

Au bout de 10mn, j’arrive à la gare, il était seul avec une petite valise, habillé tout en noir avec un chapeau sur la tête et une barbe fournie. J’avais compris à qui j’avais affaire et je m’étais dit qu’on allait avoir des échanges intéressants même si le règlement intérieur de la société nous interdisait d’aborder les sujets délicats.

Il était déjà bien détendu à l’arrière du véhicule, on était sur l’A42, direction Genève. Il avait raté son train Paris Genève et s’était rabattu sur le Paris Lyon, espérant trouver un vtc pour le déposer à sa destination.

L’homme, un rabbin était attendu pour une conférence et il n’était pas question pour lui de rester à Lyon.

Bien sûr j’avais accepté la course. Je n’allais pas m’enrichir plus financièrement avec un retour à vide et des prix verrouillés par la société Uber et même pas de majoration. Je n’avais pas l’habitude de refuser des courses par contre j’avais subi à plusieurs reprises des annulations de course les auteurs étaient souvent des concurrents. Uber ne faisait pas que des heureux.

J’avais accepté la course sans me poser la question si j’aurai assez d’énergie pour faire le retour. Le temps était brumeux et la fatigue commençait à prendre le dessus.

Le passager était assis à l’arrière, côté droit. J’avais coupé la radio et j’essayais de lancer une discussion mais de quoi pouvais-je parler avec lui sans le froisser. Ce n’était pas évident. J’espérais qu’il allait dormir mais rien à faire, il était bel et bien éveillé, préoccupé juste par l’heure d’arrivée. Il avait l’habitude du trajet en voiture et m’expliqua qu’il m’indiquerai un raccourci.

La limousine fonçait droit et sans effort, c’était une automatique, agréable à conduire mais comme pour toute automatique, le risque de l’endormissement était grand. Je devais impérativement engager la conversation tout en respectant les règles très contraignantes dans le cas présent.

Je n’avais pas envie de reproduire l’expérience négative quand j’avais transporté 2 américains de l’équipe de basket de Bourg en Bresse, une nuit aussi. J’avais envie de causer américain, j’avais eu le droit à rien. Ils parlaient entre eux de banalité et moi, ils m’avaient cantonné dans le rôle de chauffeur et c’est tout.

A mi-chemin, ce fut le dégel, le mur s’écroula et il m’expliqua les raisons de son voyage, on échangea sur la communauté juive en suisse, les relations folkloriques entre Ashkénaze et Séfarades mais on évita soigneusement d’aborder les sujets qui fâchent.

Au moment de partir, malgré la note salée qui valida le parcours, il m’offrit en guise de pourboire, des sandwichs faits maison qu’il avait dans sa mallette.

Moi j’étais heureux d’avoir rempli ma mission et musique à fond, je rentrais en me disant que malgré les bonnes rencontres, le métier de chauffeur de limousine n’était pas fait pour moi.

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